L’hypertrophie de la sphère financière constitue l’un des principaux obstacles à la transition vers une économie post-croissance où les objectifs environnementaux, sociaux ou de santé publique priment sur celui de la poursuite de la croissance, que ce soit au niveau des arbitrages politiques, de l’allocation des flux financiers ou du cadre macroéconomique conçu pour orienter l’action publique. Cet obstacle prend notamment la forme d’une montagne toujours plus élevée d’actifs financiers en attente de rendement, le plus souvent à court terme. D’après les chiffres du Financial Stability Board [2022], avec ses 486 600 milliards de dollars d’actifs, le système financier mondial (banques, assurances, fonds d’investissement, fonds de pension, etc.) représente cinq fois le produit intérieur brut de l’économie mondiale. La taille du système financier a plus que doublé depuis 2007, mais cette expansion n’a que peu profité au financement des objectifs de la transition écologique, qui reste sous-financée. C’est sur ce défaut d’orientation de la finance que la critique devrait davantage porter, pour guider les politiques publiques visant à faire de la finance un levier de la bifurcation sociale-écologique.
Repenser l’économie à l’aune des crises écologique et sociale qui frappent nos sociétés : c’est l’ambition de cet ouvrage. Initialement diffusées sur France Culture, en fin d’émission « Entendez-vous l’éco ? », les 245 chroniques qui composent l’ouvrage ont été revues et actualisées pour vous offrir autant d'éclairages et de clés de compréhension du monde tel qu’il (ne) va (pas), ainsi que bon nombre de propositions pour penser l’avenir.
L’Accord de Paris sur le Climat engage les pays signataires à rendre les flux financiers « compatibles » avec les objectifs climatiques du même accord. Respecter cet engagement implique une profonde transformation des flux financiers et du système financier, ce qui ne se fera pas sans une régulation volontariste, prête à intégrer pleinement les objectifs de transition dans la réglementation et dans la supervision. Cette note contribue au débat sur les modalités concrètes de cette intégration, plaidant non seulement pour des mesures prudentielles mais aussi pour des mesures structurelles, agissant activement sur la transformation des bilans bancaires et insérées dans un policy-mix plus global.
Les alertes scientifiques sont sans ambiguïté : face à la crise écologique, il nous reste moins de dix ans pour agir. Confrontés à cette urgence, les décideurs politiques apparaissent désemparés, voire détournent le regard. Mais l’impuissance publique n’est pas une fatalité. En France comme ailleurs, on observe le même désir de changement, la même quête de solutions. En témoignent les mouvements de la jeunesse, les innombrables initiatives locales, les actions en justice et toutes les formes d’expression citoyenne qui contestent l’insuffisance des mesures adoptées pour produire autrement, réduire les inégalités et favoriser la sobriété. Cet ouvrage collectif montre que des solutions sont à notre portée, à condition de tenir fermement ensemble les enjeux écologiques, démocratiques et sociaux. Il pointe les incohérences actuelles et propose des réponses plus systémiques, allant dans le sens d’une planification écologique menée à plusieurs échelles. Fiscalité, travail, finance, commerce, État social, consommation... C’est en revoyant en profondeur notre logiciel économique et en renforçant notre démocratie que l’on pourra relever les défis très concrets posés par le système énergétique, les transports ou encore l’agriculture. Car la transition écologique n’est rien de moins qu’un formidable projet de société !.
Introduction à ce numéro que nous avons coordonné. Lors de la COP21 à Paris en décembre 2015, près de 200 pays du monde entier ont consenti à l’objectif de limiter l’augmentation des températures en deçà de + 2 °C par rapport aux temps préindustriels en poursuivant leurs efforts pour atteindre la cible de + 1,5 °C. Le rapport Global Warming of 1,5 °C (GIEC [2018]) a mis en lumière l’ampleur des transformations nécessaires pour atteindre cet objectif. Parvenir conjointement à enrayer les pertes de biodiversité (IPBES [2019]) et à maintenir les activités humaines à l’intérieur de limites de viabilité planétaires (Steffen et al. [2015]) impliquent des transformations profondes de nos modes de consommation et de production. Le résultat mitigé de la COP26 à Glasgow témoigne à nouveau des difficultés à transformer les annonces en réalités tangibles, difficultés auxquelles se heurte tout autant le processus biodiversité de la COP15 à Kunming au printemps 2022. Face à ces enjeux nouveaux, la finance doit aussi opérer une transformation profonde. Banques, assurances, gestionnaires d’actifs et autres fonds d’investissement se veulent acteurs de ces transformations et s’engagent à verdir leurs portefeuilles et bilans. La politique monétaire et la régulation financière ont un rôle majeur à jouer pour coordonner ces actions, fixer un cap à ces engagements et faire en sorte qu’ils soient tenus. L’émergence de discours sur les « actifs échoués » (actifs dévalorisés dans le cas d’une transition écologique effective), sur les « risques physiques et de transition » (possibilité d’une crise financière liée à une transition trop rapide ou au contraire trop tardive), sur une « tragédie des horizons » (Carney [2015]), traduit en partie cette mise en tension de la finance face à une transformation structurelle d’ampleur inédite…
Pour compléter les formes existantes de création de monnaie, et financer la transition écologique et sociale, certains économistes militent pour un nouveau mode d’émission de monnaie, sous forme de don (de monnaie centrale) : telle serait la monnaie volontaire, démocratique et affectée au bien commun.
Manuel (4ème édition mise à jour, avec Thomas Renault). Cet ouvrage présente les principales notions de l’économie monétaire et financière contemporaine : expansion des marchés de capitaux, produits et acteurs de la finance, taux d’intérêt, transformations du secteur bancaire, instabilité financière et régulation, formes et mesures de la monnaie, politique monétaire et autres missions des banques centrales… Ces thèmes sont abordés à partir de trois types de contenus : un corps de texte accessible sans prérequis, des encadrés pour approfondir certains points clés et notions, des éclairages pour comprendre les questions et débats au cœur des publications des économistes.
La concentration du secteur bancaire européen pourrait à nouveau augmenter avec la crise sanitaire. Son impact sur la solidité du secteur et la disponibilité des financements est souvent discuté, sa mesure beaucoup moins. Or nous attirons l'attention dans cet article sur un aspect problématique des mesures de concentration ou de pouvoir de marché. Celles-ci sont généralement réalisées à partir de données non consolidées, ce qui revient à ignorer le pouvoir de marché national des groupes. Il en résulte une sous-estimation que nous proposons de corriger. Notre correction, réalisée à partir des données SURFI de la Banque de France, rehausse d'environ 30 points de pourcentage la part de l'actif des cinq plus grandes banques résidentes dans l'actif total du secteur bancaire français. Cette sous-estimation n'est pas neutre du point de vue des politiques prudentielles : la concentration ne constitue pas le même problème à l'évidence selon qu'on l'évalue à 50 % ou à 80 %.
Le paysage monétaire est agité. Au sommet de l’édifice, les banques centrales n’ont de cesse d’amplifier les politiques dites « non conventionnelles » qui transforment leur mode d’action, consistant à fournir des montants sans précédent de monnaie aux banques et aux marchés financiers. À sa base, le système est bousculé par le développement des cryptoactifs et des stablecoins, l’essor de nouveaux prestataires de services de paiement, la diffusion des monnaies complémentaires, jusqu’aux débats sur la monnaie centrale digitale menés au sein des banques centrales elles-mêmes. En même temps, de nombreuses propositions de réforme monétaire insistent sur la nécessité de créer un nouveau mode d’émission de monnaie, dans lequel c’est la banque centrale ou un institut d’émission qui déciderait, dans le cadre d’une gouvernance démocratique renouvelée, d’émettre une quantité de monnaie centrale nécessaire pour poursuivre des objectifs donnés, par exemple certains investissements dans la transition écologique où les financements classiques s’avèreraient insuffisants. La présente note s’inscrit dans cette mouvance et propose un mode « volontaire » de création de la monnaie centrale. Le terme de « transition monétaire » désigne le passage à ce nouveau mode d’émission qui pourrait coexister avec la monnaie de crédit bancaire classique. Cette émission monétaire serait différente de celles qui existent actuellement, en deux points essentiels : - elle ne serait associée ni à un crédit ou prêt remboursable, ni à un achat de titres revendables, elle serait donc « sans contrepartie ». - et puisqu’aucune contrepartie exigible sous forme de remboursement n’amènerait à ce que la monnaie créée retourne vers la banque centrale, elle serait « permanente » au lieu d’être temporaire. Le débat s’ouvre. Selon nous, il s’inscrit dans une régularité historique qui veut que chaque fois que la société en a eu besoin, elle a transformé le système monétaire pour l’adapter à ses besoins.
En inscrivant la « soutenabilité environnementale » dans la révision stratégique qu’elle a lancée début 2020, la Banque centrale européenne (BCE) a signalé qu’elle prenait au sérieux les appels pour intégrer la politique monétaire dans la lutte contre le changement climatique, et plus largement contre la crise écologique qui menace nos sociétés et nos économies. Pour contribuer à ce débat dont l’enjeu est exceptionnel, nous publions deux notes sur le rôle des autorités monétaires et prudentielles dans la transition écologique. Cette note propose un tour d’horizon des options possibles pour verdir la politique monétaire, en faisant de la soutenabilité environnementale un objectif à part entière de la Banque centrale européenne. D’un côté des options « vert clair » : celles-ci consistent à verdir les conditions d’accès à la liquidité et les achats d’actifs réalisés par la BCE et sont toutes réalisables dans le cadre institutionnel actuel ou en restant fidèles à son esprit. De l’autre, l’option vert vif : celle-ci s’inscrirait dans un policy-mix vert, et assurerait un financement de transition écologique par la banque centrale sans alimenter la dette et en préservant la stabilité financière. C’est l’option exigeant le plus de changements sur le plan institutionnel, mais sans doute celle qui ferait le plus avancer la transition écologique.
[Cette note actualise celle du drone monétaire dans le contexte de la crise sanitaire] La crise sanitaire du Covid-19 plonge nos économies dans une crise d’une ampleur inédite. Pour financer les mesures d’urgence, les États sont en train d’augmenter rapidement leur niveau d’endettement en empruntant sur les marchés obligataires, tandis que la BCE ouvre des nouveaux programmes d’achats et assouplit encore les conditions de refinancement bancaire. Mais augmenter la dette publique et faire confiance au crédit bancaire pour relancer l’économie réelle n’est pas la solution à la hauteur du défi ; pour éviter la récession et réduire les coûts sociaux de la crise, l’Europe a besoin d’une politique monétaire innovante qui s’articule au mieux aux plans d’aide budgétaires. La note propose de recourir pour un temps limité au transfert direct de monnaie par la banque centrale, c’est-à-dire à la « monnaie hélicoptère ». La monnaie hélicoptère est une façon différente de distribuer la monnaie centrale et de la déverser dans l’économie, sans passer par les banques et les marchés financiers. Dans la phase actuelle de sauvetage de l’économie en temps de confinement, la monnaie hélicoptère devrait aller aux États pour monétiser la dépense publique. Puis, dans un second temps, celui du réamorçage de l’économie, la monnaie hélicoptère pourrait être versée aux ménages et aux entreprises afin d’augmenter sans délai et sans défaut de transmission, la dépense privée, tout en poursuivant la dépense publique pour contrer la dépression et préparer l’avenir. Ces mesures temporaires préserveraient les marges de manœuvre financières des États pour relever les défis de demain, tout en limitant les effets inégalitaires qui accompagnent les mesures habituelles. À moyen terme, les pistes esquissées sur la monétisation de la dépense publique pourraient également permettre de financer les investissements des États dans la transition écologique et sociale, conformément aux objectifs annoncés dans le Green Deal européen.
Rédigée quelques mois avant la crise sanitaire, cette note propose un nouvel instrument inspiré de la « monnaie hélicoptère » et des expérimentations actuelles en matière de monnaie centrale numérique : verser à chaque citoyen de la zone euro entre 120 et 140 euros de monnaie centrale numérique, sur un compte ouvert pour chacun auprès de la Banque centrale européenne.
Une bande dessinée pour comprendre comment et pourquoi l’économie est omniprésente dans nos vies ! Zoé vit avec sa maman qui est au chômage. Cette collégienne de 12 ans maligne et volontaire voudrait l’aider à retrouver du travail. Mais comment s’y prendre ? C’est le point de départ qui va mener Zoé à se poser les bonnes questions, grâce notamment à madame Robinson, sa voisine prof d’économie à la retraite, et à ses copains, sur tous les thèmes qui régissent le monde économique d’aujourd’hui : Travail – Chômage – Mondialisation – Banque – Progrès technique – Inégalités – Parité – Retraites – Revenu de base – Écologie – Monnaie – Finance – Europe – Brexit. Un récit vivant pour permettre aux enfants et adolescents (à partir du collège) d’aborder avec clarté les grands sujets de l’économie.
Les banques européennes sont plus solides aujourd’hui qu’elles ne l’étaient à la veille de la crise financière de 2007-2008, grâce aux réformes qui ont eu lieu depuis. Mais le seront-elles suffisamment face à une crise sanitaire plus proche de la Grande Dépression des années 1930 que des scénarios de stress envisagés par l’Autorité bancaire européenne pour 2020 ? L’accès à la liquidité de la banque centrale écarte vraisemblablement le risque d’illiquidité des banques, mais il n’est pas impensable qu’il faille gérer une crise d’insolvabilité bancaire. Le non-remboursement d’un crédit sur cinq suffirait à épuiser le niveau actuel des fonds propres. Il faudrait alors mobiliser le mécanisme de résolution, qui ne suffira probablement pas dans un contexte où, selon le Comité européen du risque systémique, le risque de défaut simultané est en train d’augmenter fortement. Resterait alors la mobilisation possible du mécanisme européen de stabilité. Mais, si ce complément se révélait insuffisant, le risque que ressurgisse une crise des dettes souveraines en zone euro s’en trouverait accru.
Cet article rassemble les principaux résultats des études de genre en finance. À partir d’une présentation des résultats inédits d’une enquête sur les ménages français (enquête Pater), nous examinons d’abord les différences de préférences et de comportements entre hommes et femmes en matière financière, puis leurs incidences à plusieurs niveaux : les choix de placements et l’utilisation de services bancaires et financiers des ménages, les décisions des professionnel·le·s du secteur bancaire et financier, la gestion et la gouvernance des entreprises, pour finir, la conception et la pratique des enseignant·e·s chercheur·e·s en finance. Cinq principaux résultats s’en dégagent : i) l’enquête Pater tend à confirmer des différences de préférences et d’attitudes financières ; ii) il ne faut pas y voir une simple révélation de préférences, mais plutôt une imprégnation forte des stéréotypes ; iii) quelle(s) qu’en soit la(les) source(s), ces différences sont plutôt préjudiciables aux femmes dans leurs choix de placement et leurs accès au crédit ; iv) les différences observées sont très sensibles au contexte, à l’expérience passée, et à l’éducation, en particulier l’éducation financière ; v) étant donné la représentation encore faible des femmes à des postes à responsabilités et le parcours d’obstacles pour celles qui y accèdent, les études actuelles ne fournissent guère la preuve d’un style de management féminin, d’une gestion nécessairement plus prudente des banques ou d’une attention plus grande à la stabilité financière ou à l’écologie. Nous concluons sur l’idée qu’une plus grande représentation des femmes devrait renforcer les différences en tout genre plutôt que les différences de genre.
Avec Christophe Nijdam. À la suite de la crise de 2007-2008, le secteur bancaire et financier a été pointé du doigt. Des réformes ont été entreprises pour renforcer les règles et la surveillance des banques. Beaucoup reste à faire alors que menace déjà un possible retour en arrière. Le débat citoyen autour de ces questions est rendu difficile par la technicité du sujet. Comment les banques fonctionnent-elles ? Comment gèrent-elles les risques ? Qui les contrôle ? Pour sortir du brouhaha médiatique, "Entrez dans l'actu" vous apporte des informations objectives et factuelles sur les banques et leur secteur.
Avec Laurent Clerc. Introduction et coordination de la revue d'économie financière n°127. La plupart des articles rassemblés dans ce numéro de la Revue d’Économie Financière tentent de revenir sur la nature du lien entre finance et croissance à l’aune des enseignements tirés de la crise et de la relative instabilité de cette relation. Ils cherchent notamment à combler les lacunes qui subsistent dans notre compréhension du rôle de la finance et de ses interactions complexes avec l’économie réelle. Les enjeux sont considérables à un moment où les réformes mises en place après la crise commencent à produire leurs premiers effets, mais où s’élèvent des voix visant à en stopper la mise en œuvre – voire à les démanteler – au nom de la croissance qu’elles étaient pourtant censées rendre précisément plus robuste et soutenable ; considérables également à un moment où le débat s’engage sur la question de la pérennité de notre modèle de croissance dans un contexte de changement climatique, amenant inévitablement celle du financement de cette transition.
Les taux nominaux négatifs, dont bénéficient actuellement certains emprunteurs souverains, ainsi que les banques qui se refinancent auprès de banques centrales ayant opté pour des taux directeurs négatifs ont fait voler en éclat l’hypothèse d’un plancher zéro. Bien qu’ils étendent a priori les marges de manœuvre de la politique monétaire, les taux négatifs sont-ils une conséquence voulue et maîtrisée de la politique monétaire de gestion de crise ou, bien davantage, un symptôme de la déflation, un indicateur de gravité de la situation macroéconomique, voire le signe avant-coureur d’un phénomène de stagnation séculaire ? La reprise ne dépend-elle pas moins du taux nominal monétaire que du taux de rentabilité des investissements productifs, c’est-à-dire du taux naturel au sens de Wicksell ? Ce retour à l’approche wicksellienne du taux d’intérêt naturel conduit à se demander si pour écarter le risque déflationniste qui persiste et repousser la perspective d’une stagnation séculaire, il faut mieux agir sur le taux monétaire en le baissant toujours plus ou sur le taux naturel en essayant de le relever. Auquel cas, comment relever le taux naturel ?
Avec Salim Dehmej. L’expérience de la zone euro au cours de la dernière décennie a montré qu’une politique monétaire unique ne favorise pas nécessairement la convergence des économies appartenant à une union monétaire. L’objectif de cet article est triple. Tout d’abord, nous cherchons à illustrer les divergences entre les pays de la zone à partir de l’écart entre le taux directeur de la politique monétaire unique et celui auquel aurait conduit l’application d’une règle de Taylor standard, que nous calculons à plusieurs niveaux : la zone, le « cœur », la « périphérie », et certains pays pris individuellement, représentatifs du cœur ou de la périphérie de la zone. Ensuite, nous montrons qu’une politique monétaire qui, pour corriger les déséquilibres financiers en résultant, utiliserait une règle de Taylor élargie à la stabilité financière risquerait de renforcer davantage les divergences. Enfin, nous en déduisons que la zone euro gagnerait à adopter un nouveau policy-mix qui consisterait à combiner la politique monétaire à des mesures macroprudentielles ajustées à la situation économique et financière de chaque État membre. Cette combinaison favoriserait la stabilité financière mais aussi la stabilité macro-conjoncturelle.
Avec Salim Dehmej et Emmanuel Carré. Nous réalisons une méta-analyse de vingt-trois modèles dsge qui réunissent toutes les caractéristiques permettant d’observer les modalités de la combinaison entre la politique monétaire et la politique macroprudentielle (pmp). Ces modèles ont en commun d’incorporer des instruments macroprudentiels visant à limiter les fluctuations financières et de représenter la politique monétaire au moyen d’une règle de Taylor qui peut faire répondre le taux d’intérêt à la fois à l’écart d’inflation, à l’écart de production et à un écart financier. En considérant la valeur du coefficient de réponse à l’écart financier dans la règle de Taylor comme la charnière du policy-mix entre politique monétaire et pmp, nous en faisons notre variable dépendante. La relation que nous testons fait principalement dépendre cette variable du type d’instruments macroprudentiels choisis, de l’importance relative donnée à l’inflation et à l’output gap dans la règle de Taylor, et des modalités d’obtention (par optimisation/estimation ou par calibration) des coefficients de réponse dans la règle de Taylor. Nos résultats suggèrent que le type d’instruments macroprudentiels choisis influence de manière significative le degré d’articulation entre politique monétaire et pmp et que plus la règle de politique monétaire accorde de l’importance à l’inflation et moins cette articulation est forte.
La crise bancaire et financière de 2007-2008 avait offert une occasion de changer en profondeur le fonctionnement du secteur. Pourtant, en dépit de leur nécessité, les réformes ont provoqué une levée de boucliers de la part des banques et de leurs représentants. Au moyen d'un discours bien rodé, le lobby bancaire est parvenu à convaincre citoyens et gouvernements que le renforcement de la réglementation mettrait en péril l'investissement des entreprises, l'emploi et la croissance... Comment parvient-il à tisser sa toile jusqu'aux plus hautes sphères du pouvoir ? Quels sont donc les ressorts de son discours aussi influent que paralysant ? Comment réussit-il à capturer les esprits ? Un ouvrage critique qui décrypte la rhétorique du lobby bancaire en s'appuyant sur la grille de lecture du socio-économiste Albert O. Hirschman. Il s'adresse à vous tous et vise à vous faire prendre conscience que la finance n'est pas toujours sous contrôle, toujours pas au service de l'économie. Réappropriez-vous le débat !
Avec Marianne Rubinstein. Un livre d’économie écrit par des femmes pour les femmes ? Exactement ! Parce qu’aujourd’hui elles étudient, travaillent, gèrent, décident… dans un univers autrefois réservé aux hommes et qui continue de se décliner au masculin. Les sondages l’attestent : bien que les femmes soient désormais de plain-pied dans la vie économique, elles s’intéressent peu aux débats qui s’y rapportent. Or, si elles renoncent à comprendre cette dimension du monde dans lequel elles vivent, il leur sera encore plus difficile de s’y faire une juste place. L’urgence est d’autant plus grande que celui-ci ne tourne plus très rond et qu’il faut rallier toutes les forces pour le remettre d’aplomb. C’est donc pour intéresser davantage les femmes à l’économie que les auteures ont entrepris, en dix chapitres thématiques – sur le logement, les banques, les inégalités hommes-femmes, l’entreprise, la discrimination à l’embauche, les disparités de revenu et de patrimoine, le pouvoir d’achat, les retraites, l’Europe et, last but not least, le bonheur ! –, d’en parler autrement. Loin de la posture en surplomb de l’expert, le ton est vivant, complice et non dénué d’humour. Pour montrer, même aux plus réticentes, qu’il est possible de parler d’économie clairement, sans aplatir la connaissance, ni simplifier à outrance. C’est tout le pari de ce livre, que les hommes feraient bien de lire aussi ! Ce livre a reçu le Prix lycéen « Lire l'économie » 2014 du Ministère de l'Éducation nationale.
Manuel (3ème édition, avec la coll. de Guillaume Arnould). La finance est-elle toujours un moteur de la croissance économique ? Les crises financières sont-elles inévitables ? Comment renforcer la stabilité financière ? Quelles missions les banques centrales doivent-elles remplir ? Telles sont quelques-unes des questions abordées dans cet ouvrage. Y sont présentées les principales notions de l’économie monétaire et financière contemporaine : essor des marchés de capitaux, produits et acteurs de la finance, taux d’intérêt, transformation du secteur bancaire, instabilité financière et supervision, formes et mesures de la monnaie, politique monétaire et autres missions des banques centrales… Tous ces thèmes sont abordés à partir de trois types de contenus : un corps de texte accessible sans prérequis, des encadrés pour approfondir certaines notions et points clés, des éclairages pour comprendre les questions et débats au cœur des publications des économistes.
With Jérôme Héricourt. Using a database of more than 1,300 firms from six countries in the MENA region, we study the impact of financial development on the relationship between trade credit on the one hand and bank credit access and firm-level characteristics, especially financial health, on the other hand. Trade credit use increases with the difficulty for gaining access to bank credit, and indicators of the quality of the firm’s financial structure negatively influence the use of trade credit. Additional investigations tend to suggest that increased financial development significantly reduces the substitution relationship between trade credit and bank credit and more generally decreases the influence of most firm-level determinants for trade credit usage. These results are plausibly explained by a demand-driven story: when bank credit access gets increasingly difficult, or when financial health deteriorates, the demand for trade credit increases. Similarly, when financial development increases, firms have better access to bank credit, and impact of this variable (or financial health proxies) on the demand for trade credit becomes less or not significant.
Avec Jérôme Héricourt et Inès Chaari. À l’aide d’une base de données de plus de 1 100 entreprises de la région mena, cet article examine les déterminants de l’utilisation du crédit commercial. Dans un premier temps, nous montrons que la difficulté d’accès au crédit bancaire influence positivement le recours au crédit commercial, ce qui tend à faire du crédit commercial un substitut (même imparfait) du crédit bancaire. De la même façon, la qualité de la structure financière influence négativement le recours au crédit commercial, soulignant l’utilité de ce dernier pour les entreprises à la santé financière précaire. Dans un second temps, nous montrons que les résultats précédents tendent à s’affaiblir (voire à disparaître) au-delà d’un certain niveau de développement financier. Passé ce seuil, le crédit commercial deviendrait un complément du crédit bancaire dont l’importance dépend surtout de l’intensité des relations commerciales avec les entreprises partenaires.
The financial crisis has revealed the dysfunction of all banking and financial regulatory mechanisms. Prudential regulation failed to prevent the meltdown. Market discipline neglected to send any warning signals. Internal control was seriously undermined by doubtful dealings, in France as elsewhere. Does the crisis call the big three into question? No regulation mechanism is omniscient, whether it be state, market or self-regulation. As such, none of three can operate without the other two, with the corollary that they can only function together. It means that splitting up the big three can therefore not be the answer to the crisis. By contrast, since each one of them has shown its weaknesses, the only solution is to work on reinforcing each one. Unfortunately there is no guarantee that the reforms go far enough.
Avec G. Capelle-Blancard et L. Soulat. In this paper, we examine the evolution of the Japanese financial structure, in order to challenge the expected incidences of the financial liberalization. We compute financial intermediation ratios for Japan (1979–2004) on a book value basis. According to our results, the intermediation ratio has remained quite stable, at around 85%. This stability is the result of two opposite trends: a decrease in credits and an increase in financial securities owned by financial (mostly, non-banking) institutions. These two trends are partly the consequence of the heavier weight of the Government in domestic external financing, which is traditionally less financed by credits than companies are. Besides, these two trends would not have appeared if we had used intermediation ratios in market value or other traditional indicators (Deposits/GDP, Loans to private sector/GDP, stock market capitalization/GDP, etc.). Our results provide evidence for a very close relationship between intermediate financings and market financings and tend to reject the hypothesis of the Japanese financial system's convergence toward a capital market-based system.
Avec Gunther Capelle-Blancard. Le degré d'intermédiation des financements de treize pays européens entre 1994 et 2001 est évalué à partir des comptes financiers nationaux (base Eurostat). Deux approches sont distinguées. L'approche par la demande adopte le point de vue des agents à besoin de financement qui sollicitent un crédit auprès d'un intermédiaire bancaire ou émettent des titres sur le marché. L'approche par l'offre enregistre l'activité des institutions financières qui contribuent au financement de l'économie, au-delà du crédit bancaire, en achetant des titres sur les marchés. Pour parvenir à une mesure du taux d'intermédiation en volume, les encours de titres sont corrigés de la valorisation boursière. L'idée est de capter uniquement, dans l'augmentation de la capitalisation boursière, l'aspect « nouveau financement ». L'écart obtenu entre l'évaluation en valeur et celle qu'on préconise en volume montre l'importance du biais induit par les effets de valorisation boursière. L'écart entre l'approche par l'offre et l'approche par la demande révèle qu'une large part des financements « demandés » par les agents non financiers sont « offerts » par les intermédiaires financiers (IF). Quant aux écarts entre les différents pays, ils ne se situent guère au niveau des financements externes (financements de marché/financements intermédiés) mais bien plus à celui des modalités même de l'intermédiation, selon que l'activité des IF consiste davantage dans le crédit ou dans l'achat de titres. Ces évaluations montrent que le degré d'intermédiation financière des financements s'est maintenu en Europe entre 1994 et 2001, dans une phase d'activité soutenue des marchés de capitaux. Cette évolution conforte l'idée que le développement des marchés financiers ne saurait se faire au détriment de celui des intermédiaires financiers.
Avec Thierry Chauveau. Notre premier propos, théorique, est d’élaborer une règle de classification en intrants et en extrants des différents arguments de la fonction de profit bancaire. Nous l’utilisons ensuite dans notre étude empirique de 38 banques françaises de réseau. La technique retenue est celle de l’enveloppement des données (DEA). La période étudiée (1994-1997) correspond à celle d’une grande faiblesse de la rentabilité des banques françaises. Les résultats que nous obtenons, supérieurs à ceux d’études antérieures comparables, nous conduisent à conclure que les banques françaises représentées par notre échantillon n’ont pas de problèmes majeurs d’inefficacité productive et que l’explication de leur sous-rentabilité se situe donc ailleurs.
Avec Philippe Madiès. La réglementation prudentielle n'est qu'une des composantes du contrôle bancaire ; son rôle est néanmoins crucial. Si son objectif de sécurité et de stabilité du secteur bancaire est généralement admis, le choix de ses instruments est plus controversé. Une analyse comparée de la littérature nous apparaît un outil méthodologique indispensable. Selon nous, les spécificités de la banque fondent sa réglementation. C'est donc sur leur capacité à intégrer les spécificités bancaires que doit se juger la pertinence des différentes approches théoriques. Les cadres d'analyse traditionnels (théorie de la préférence sur les états et théorie du choix de portefeuille) se révèlent mal adaptés à la formalisation des spécificités bancaires en raison de leurs hypothèses respectives de complétude et de perfection des marchés financiers. Dans les modèles récents de « réglementation optimale », la formalisation de la réglementation prudentielle des banques évolue désormais vers l'intégration, encore partielle cependant, des asymétries d'information indispensables à la compréhension de la spécificité bancaire.
Avec Gunther Capelle-Blancard. Les activités bancaires et financières ont acquis ces dernières décennies une dimension globale et une importance systémique auxquelles la régulation ne s'est pas ajustée. Celle-ci reste entravée par des Etats qui défendent jalousement leurs champions nationaux, par le pouvoir des lobbies et par la persistance de vastes zones d'ombre.
Avec Salim Dehmej. La zone euro souffre de divergences économiques et financières entre ses membres. La politique monétaire ne peut pas y remédier, puisqu’elle est unique, donc calibrée et menée pour la moyenne de la zone. Elle peut même les accroître en agissant seule, sans autre levier de politique économique pour la compléter. Cela rend urgent un nouveau policy mix en zone euro, qui prenne en compte le fait que la zone est hétérogène et soumise à des cycles financiers peu synchrones. Rechercher la stabilité économique par la stabilité financière est possible dans le cadre de la politique macroprudentielle, dont l’action contracyclique peut-être calibrée par pays, tout en étant coordonnée au niveau de la zone par une institution déjà en place, le Conseil européen du risque systémique. La zone euro se trouverait ainsi dotée de l’instrument d’ajustement macro-conjoncturel qui lui fait tant défaut depuis ses débuts.
Avec Salim Dehmej. La zone euro est hétérogène et souffre des divergences économiques et financières entre ses membres. La politique monétaire unique n’est pas faite pour les résorber. Cela ne signifie pas qu’il faille y renoncer, mais indéniablement il manque un instrument qui vienne compléter son action pour réaliser les ajustements macro-conjoncturels dont les États membres de la zone euro ont chacun besoin.[...]
Depuis la crise financière de 2008, des dispositifs de régulation ont été mis en place pour éviter un nouveau Krach financier mondial. Mais seront-ils vraiment suffisants ? La crise financière enclenchée en 2007-2008 avait ouvert une fenêtre d’opportunité pour une profonde réforme du système financier car, comme le disait Jean Monnet, « les hommes n’acceptent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise ». Et, de fait, quelques réformes ont eu lieu pour relever les digues autour du secteur bancaire et financier, l’assainir et en prévenir l’instabilité. En Europe, les principales mesures concernent la solidité des banques, la réorganisation de leur surveillance et leur résolution en cas de défaillance. Aux États-Unis, la loi Dodd-Frank a été adoptée en réponse à la crise. Elle vise également à mieux contrôler les secteurs bancaires et financiers. Ses réformes vont dans le bon sens mais elles n’ont pas été menées assez loin alors même qu’aux États-Unis comme en Europe leur temps semble déjà révolu.
« Le secteur financier a exercé un lobbying intense pour préserver sa structure et faire barrage aux changements nécessaires. » « Les grandes banques sont l’équivalent de réacteurs nucléaires. » Ces mots n’ont pas été prononcés par les militants de Nuit debout sur la place de la République à Paris, mais par le nouveau président de la Fed de Minneapolis, Neel Kashkari, en février 2016. S’ils concernent d’abord le secteur bancaire américain, ils valent aussi pour les banques européennes et a fortiori françaises. Bien sûr, des réformes ont eu lieu, impulsées par les travaux du G20, les accords du comité de Bâle, les standards du Conseil de stabilité financière et divers rapports, comme le rapport Vickers au Royaume-Uni. Des lois en ont résulté, d’envergure nationale (Dodd-Franck aux États-Unis, loi de réforme bancaire au Royaume-Uni, loi de séparation et de régulation des activités bancaires en France, etc.) ou d’envergure européenne (directives CRD IV, révision de la directive sur les systèmes de garantie des dépôts, directive sur le redressement et la résolution des crises bancaires, etc.). Aucune n’a profondément transformé le secteur bancaire et financier. Elles exigent des banques un peu plus de fonds propres et de liquidité. Elles tentent de responsabiliser leurs créanciers obligataires et de réduire le risque systémique en confiant aux banques centrales la mission de superviser les banques d’importance. Mais est-ce assez pour remettre au service de l’économie réelle un secteur bancaire hypertrophié et dominé dans chaque pays par quelques mastodontes dont le bilan pèse pour chacun à peu près l’équivalent du PIB de leur pays, et dont 10 % seulement de l’actif contribue au financement des entreprises ? Poser la question, c’est déjà y répondre. Chapitre de L'économie mondiale 2017, La Découverte.